Article

Mary T. Moreau

Mary T. Moreau, juge à la Cour suprême du Canada (née en 1955 ou 1956 à Edmonton en Alberta). Mary T. Moreau siège à la Cour suprême du Canada depuis le 6 novembre 2023. Avec sa nomination, l’équilibre entre les sexes à la Cour est passé à une majorité de femmes pour la première fois dans son histoire. Mary T. Moreau a été la première femme nommée juge en chef de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. Elle est également la première juge canadienne-française de la Cour suprême de l’Ouest canadien. Elle est reconnue pour avoir plaidé plusieurs affaires marquantes concernant les droits linguistiques des minorités, ainsi que des affaires liées à la Charte des droits et libertés. Tout au long de sa carrière, elle s’est activement impliquée dans les questions d’éthique judiciaire, d’administration et d’éducation.

Jeunesse et famille

Mary T. Moreau naît à Edmonton au milieu des années 1950 et elle est d’origine franco-albertaine. Elle est la sixième de huit enfants et vient d’une famille bilingue et biculturelle multigénérationnelle. Elle est canadienne-française du côté de son père et canadienne-anglaise du côté de sa mère. Le côté francophone de la famille de Mary Moreau remonte à 1642.

Le grand-père paternel de Mary Moreau quitte le Québec au début des années 1900 et il s’établit à Hoey, une communauté francophone de la Saskatchewan. (Voir aussi Francophones de la Saskatchewan.) Son père, Joseph Moreau, est envoyé dans une école jésuite d’Edmonton à l’âge de 12 ans. Il devient chirurgien orthopédiste, professeur et conseiller scolaire. Il se porte également à la défense des droits de la minorité francophone et milite pour un meilleur accès à un enseignement en français en Alberta. Pour ses efforts, un conseil scolaire catholique nomme une école intermédiaire en son honneur. Mary Moreau mentionne que la quête de son père pour obtenir le droit à l’éducation en français en Alberta a une influence formatrice sur sa vision des droits des minorités. La lutte pour les droits linguistiques en français en Alberta fait partie de l’histoire de sa famille depuis le début du 20e siècle.

Durant sa jeunesse, Mary Moreau subit les limites imposées aux Franco-Albertains. Ces limites incluent entre autres les règlements provinciaux qui limitent l’accès à l’enseignement en français. Mary Moreau déclare plus tard que ces limites ont fait d’elle une militante et une défenseuse des droits linguistiques des minorités. (Voir aussi Article 23 et éducation francophone hors Québec.)

Le drapeau franco-albertain

Éducation

À l’été 1974, Mary Moreau fréquente l’Université de Montréal pour y étudier le français. Elle poursuit ensuite ses études à la Faculté Saint-Jean, le campus francophone de l’Université de l’Alberta, de 1974 à 1976. Elle obtient un baccalauréat ès arts en français.

La décision de Mary Moreau de poursuivre des études en droit va à l’encontre de la tradition familiale. Non seulement son père est un chirurgien accompli, mais deux de ses frères aînés sont également des chirurgiens orthopédistes. Les deux sœurs aînées de Mary Moreau étudient pour devenir infirmières lorsqu’elle choisit d’aller à la faculté de droit.

Mary Moreau obtient son baccalauréat en droit en 1979. Ses études comprennent également le programme d’échanges en common law et droit civil de l’Université de Sherbrooke, qu’elle termine en 1977. Pendant plusieurs étés à la fin des années 1970, tout en étudiant le droit, Mary Moreau travaille pour la CBC à Edmonton en tant que journaliste et rédactrice de bulletins d’information pour la radio et la télévision.

Carrière en droit

Mary Moreau est admise au Barreau de l’Alberta en 1980. Son premier cabinet privé se concentre sur le droit criminel, le droit constitutionnel et le litige civil. Elle exerce dans sa ville natale d’Edmonton.

Affaire Paquette

Mary Moreau se fait connaitre à l’échelle nationale en tant qu’avocate avec l’affaire Paquette. Luc Paquette entame une contestation judiciaire pour que sa cause soit entendue en français, devant un jury francophone. Lorsque Mary Moreau commence à représenter Luc Paquette en 1984, ce dernier n’a pas le droit d’avoir un procès en français, sa langue maternelle, en Alberta. Luc Paquette, un Franco-ontarien, est accusé de possession de cocaïne avec intention de la vendre. Mary Moreau découvre que le droit de Luc Paquette d’être jugé en français existait avant la création de l’Alberta en tant que province en 1905. Pendant plus de six ans, elle se bat pour le droit de Luc Paquette d’être jugé dans sa langue maternelle. Ce combat la mène jusqu’à la Cour suprême du Canada, où elle gagne finalement le procès.

À la suite de cette expérience, Mary Moreau cofonde l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta, qui se consacre à la protection et à la promotion des droits de la langue française dans la province.

Affaire Mahé

Mary Moreau représente les appelants dans l’affaire Mahé c. Alberta, une décision importante de la Cour suprême du Canada. Cette décision conclut que la Charte des droits et libertés garantit aux parents de la minorité linguistique officielle de chaque province le droit d’être représentés au sein des conseils scolaires publics ou le droit d’avoir leur propre conseil scolaire.

L’affaire survient lorsque trois parents franco-albertains sont insatisfaits de la qualité de l’enseignement en français dans une école publique. Le gouvernement provincial et les conseils scolaires existants qui desservent leurs enfants leur refusent le droit de créer une nouvelle école française au sein d’un conseil scolaire francophone autonome. Dans cette affaire, Mary Moreau poursuit les efforts de son père et de son grand-père pour améliorer l’accès à l’éducation publique en français dans l’Ouest canadien.

Carrière judiciaire

En 1994, à l’âge de 38 ans et après seulement 14 ans de pratique, Mary Moreau est nommée juge à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. Elle est nommée juge suppléante à la Cour suprême du Yukon le 19 janvier 1996, et juge suppléante à la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest le 16 mars 2005.

De 2011 à 2012, Mary Moreau est présidente de l’Association canadienne des juges des cours supérieures. De 2014 à 2017, elle est membre du comité consultatif sur la déontologie judiciaire du gouvernement fédéral. Ce comité fournit des avis consultatifs confidentiels sur des questions d’éthique aux juges nommés par le gouvernement fédéral. En 2017, Mary Moreau devient la première femme à être nommée juge en chef de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, la cour supérieure de la province.

Affaire Omar Khadr

En 2002, Omar Khadr est un enfant soldat canadien condamné pour le meurtre d’un soldat américain en Afghanistan. Il n’a que 15 ans à l’époque et il a été envoyé en Afghanistan par son père, qui aurait été affilié au groupe terroriste Al-Qaïda. Omar Khadr est éventuellement emmené au camp de détention de Guantanamo Bay et il y est détenu pendant huit ans avant de plaider coupable des accusations portées contre lui. Il devient le premier mineur depuis la Deuxième Guerre mondiale à être poursuivi en justice pour des crimes de guerre présumés. Il est emprisonné durant 12 ans et sept mois.

Toutefois, en 2010, la Cour suprême du Canada détermine que sa détention viole « les principes de justice fondamentale ». Malgré les tentatives répétées du gouvernement canadien pour le maintenir en prison, il est libéré sous caution en 2015. En 2017, le gouvernement fédéral verse à Omar Khadr 10,5 millions de dollars en reconnaissance du fait que ses droits garantis par la Charte ont été violés. C’est la juge Mary Moreau qui détermine, citant les arguments de la juge de la Cour suprême Rosalie Silberman Abella sur la capacité réduite et la culpabilité des mineurs, qu’Omar Khadr a purgé sa peine en liberté provisoire après sa sortie de prison en 2015.

Prix

En 1978, alors qu’elle est toujours étudiante en droit, Mary Moreau remporte le prix de droit constitutionnel de la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta. Elle reçoit un doctorat honorifique de l’Université de l’Alberta en 2019, et la Médaille du Doyen du Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta en 2020. Mary Moreau reçoit également la Médaille du jubilé de platine de la reine Elizabeth II en 2022, et le prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations, décerné par l’association Women in Law Leadership en 2023.

(Voir aussi Cour suprême du Canada; Magistrature du Canada; Système judiciaire canadien.)

;