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Carl Beam

Carl Beam (Carl Edward Migwans), artiste (né le 24 mai 1943 à West Bay, sur l’île Manitoulin, en Ontario [aujourd’hui la Première Nation de M’Chigeeng]; décédé le 30 juillet 2005 à la Première Nation de M’Chigeeng). Premier artiste autochtone contemporain dont les œuvres ont été acquises par le Musée des beaux-arts du Canada, Carl Beam a été l’un des artistes autochtones les plus novateurs de l’histoire du Canada. (Voir aussi Art autochtone contemporain.)

Jeunesse et éducation

La mère de Carl Beam, Barbara Migwans, était la fille de Dominic Migwans, chef des Ojibwés de West Bay (aujourd’hui connus comme la Première Nation de M’Chigeeng). Le père de Carl Beam, Edward Coop, un soldat américain, est mort comme prisonnier de guerre pendant la Deuxième Guerre mondiale.

À 10 ans, Carl Beam est envoyé au pensionnat Garnier à Spanish, en Ontario, où il demeure jusqu’à ses 18 ans. En 1971, il s’inscrit à la Kootenay School of Art, et il obtient un baccalauréat ès arts de l’Université de Victoria. De 1975 à 1976, il fait des études supérieures à l’Université de l’Alberta. Il les abandonne à la suite d’un différend au sujet de sa thèse portant sur l’art autochtone.

Début de carrière

À la fin des années 1970, Carl Beam travaille déjà sur les photocollages qui font sa renommée. Il utilise de manières variées la sérigraphie, la photogravure, les photos à développement instantané Polaroid et une technique de transfert au solvant utilisée par l’artiste américain Robert Raushenberg. Le recours à des techniques mixtes permet à Carl Beam de comparer et de mettre en perspective différentes idées et images : de vieilles photos d’Autochtones, des autoportraits, des textes et des dessins. Par exemple, son œuvre de 1978 Contain that Force (Contenir cette force) comprend un cliché de ce qui semble être un chef posé sur un fond rouge et rose vaguement brossé. D’un côté, on trouve un grand oiseau peint en gris et en noir et l’inscription « Note Well: contain any force you might possess, you never know when they’ll be needed » (« Prends-en bien note : contiens toute force que tu pourrais posséder, tu ne sais jamais quand tu en auras besoin. ») est griffonnée au bas de l’œuvre.

En 1980, Carl Beam déménage avec sa famille à Arroyo Seco, au Nouveau-Mexique, pour y vivre et y travailler. Bien qu’il ait reçu une formation poussée en céramique à la Kootenay School of Art, il avait abandonné cette forme d’art, car il ne se jugeait pas assez compétent. Toutefois, au Nouveau-Mexique, il est exposé aux bols créés par les peuples autochtones mimbres, datant d’il y a plus de mille ans. En apparence simples, ces bols sont ornés de motifs complexes où des passages mythiques sont illustrés au moyen de tortues, de serpents, d’oiseaux et d’esprits. Carl Beam considère les bols des Mimbres inspirants. Ainsi, la poterie qu’il crée est toujours faite à la main et met de l’avant l’imagerie présente dans ses autres œuvres comme les corbeaux, les serpents et des personnages tirés de l’actualité. En 1983, Carl Beam et sa famille reviennent vivre au Canada et s’établissent à Peterborough, en Ontario.

Œuvres matures

Exorcisme (1984)

En 1984, la Thunder Bay Art Gallery commande une œuvre majeure à Carl Beam. Pour l’occasion, il crée Exorcisme (1984), une œuvre mixte longue de plus de six mètres. Colorée d’un rouge vif exprimant la colère, l’œuvre comprend trois hommes autochtones vêtus à l’occidentale, une personne vêtue de façon traditionnelle et un immense corbeau. La surface de l’œuvre est rayée et porte des écrits. Lors du dévoilement de l’œuvre au public, Carl Beam demande à des archers de lancer des flèches sur l’œuvre depuis l’autre extrémité de la galerie et des haches sont plantées à sa surface. La violence évidente qui émane d’Exorcisme vise à exorciser les conséquences profondes de la colonisation européenne sur la vie et la culture des Autochtones. Exorcisme fait partie d’une exposition solo intitulée Altered Egos: The Multimedia Work of Carl Beam, organisée et diffusée par la Thunder Bay Art Gallery en 1984. 

L’iceberg nord-américain (1985)

L’iceberg nord-américain (1985), autre œuvre étroitement liée de la même époque, devient, en 1986, la première œuvre d’art contemporaine autochtone acquise par le Musée des beaux-arts du Canada. Tout comme ExorcismeL’iceberg nord-américain, réalisée sur une grande feuille de plexiglas, des éclaboussures de peinture rouge sang recouvrent de vieilles images d’archives d’Autochtones, des autoportraits et des écrits, dont un se lit « ignored, the force moved unsung because it is so real, into the real it knows flash to light » (« ignorée, la force se déplace méconnue parce qu’elle est tellement réelle, dans le réel elle connaît la lueur et la lumière »). L’iceberg nord-américain est une œuvre colérique et rebelle, mais la « force » à laquelle le texte fait référence pointe vers l’inévitabilité de la justice et la rédemption ultime de la culture autochtone de la destruction du colonialisme.

Projet Christophe Colomb (1989-1992)

De 1989 à 1992, Carl Beam crée un corpus d’œuvres intitulé Projet Christophe Colomb, qui soulève différentes questions entourant les célébrations du 500e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Danseurs Gan (1991) est une émulsion photographique montée dans un cabinet en bois dépeignant un homme sans chemise, à la tête recouverte d’un sac debout devant une croix. Des images d’oiseaux se trouvent en dessous de lui. L’image montre à quel point les Autochtones ont été persécutés par le christianisme apporté par Colomb et la pureté du monde naturel avant l’arrivée de la culture européenne. L’impression Chroniques de Christophe Colomb (1992) juxtapose une image de Colomb à une autre de Sitting Bull. Un billet américain de cinq dollars les sépare, et l’œuvre est à moitié effacée par de longues éclaboussures blanches. Le Projet Christophe Colomb a été présenté à l’Art Gallery of Peterborough, à The Power Plant à Toronto et ailleurs dans le monde.

La baleine de notre être (fin des années 1990-2000)

Au début du 21e siècle, Carl Beam entame un corpus d’œuvres qu’il intitule La baleine de notre être, qui explore ce qu’il considère comme étant le vide spirituel de la société moderne et notre incapacité à vivre en harmonie avec la nature. La série comprend des émulsions photographiques, des constructions sculpturales, des œuvres sur papier et des céramiques. Par exemple, l’émulsion photographique Summa (2002), juxtapose des images colorées d’Autochtones à d’autres de l’atterrissage sur la lune et d’Albert Einstein, évoquant à quel point la technologie moderne nous a éloignés de la nature.

Carrefours (jusqu’en 2005)

Au moment de sa mort, Carl Beam travaillait sur un projet intitulé Carrefours, dont le titre provient d’une chanson du même titre du légendaire musicien de blues américain Robert Johnson. Cette série d’œuvres combine différentes images comme celles de Robert Johnson et de Bob Dylan à celles de chefs autochtones, de personnalités de la télévision et d’animaux.

Honneurs et distinctions

Les œuvres de Carl Beam figurent dans de nombreuses expositions collectives, notamment Indigena: Perspectives of Indigenous Peoples on Five Hundred Years, organisée et présentée par le Musée des civilisations (maintenant le Musée canadien de l’histoire) en 1992. L’iceberg nord-américain est la première œuvre d’un artiste autochtone à être ajoutée à la collection permanente contemporaine du Musée des beaux-arts du Canada (1986). Cet achat ouvre la voie à d’autres acquisitions d’œuvres d’artistes autochtones au Canada.

En 2000, Carl Beam est intronisé à l’Académie royale des arts du Canada et, en 2005, il reçoit le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.

En 2011, le Musée des beaux-arts du Canada organise Carl Beam, une exposition posthume de ses œuvres, qui est ensuite présentée au Musée d’anthropologie de Vancouver et à la Winnipeg Art Gallery.